First Chapter - Second Edition
RECOGNITION
Recognition
silkscreen on Arches Paper, 89x60 cm
December 2019, limited edition of 50
Alizée Gazeau
éditorial
Notre terre est une ile immanente encadrée par la mer. Sur les flots, conscients d’un destin commun, nous sommes tous à la proue d’un navire parti en reconnaissance. Les espaces, tracés par nos coups de crayons composent des réalités superposées.
Une réalité nous unit tous : une seule terre insulaire enveloppée par l’écume infinie. Cette terre que nous habitons, décrivons, dessinons, photographions, arpentons prend forme en nous et se définit par tous les événements que nous partageons, expérimentons, archivons. Nous affirmons que nos intuitions émergent dans le monde concret pour s’unir avec lui et former une seule et même entité créatrice. Nous infléchissons l’espace-temps depuis nos réalités intérieures vers des dynamiques extérieures.
Il faut connaître cette terre où nous vivons, commencer en acceptant « l’absolue non-réponse, c’est à dire l’infini »[1], c’est à dire « l’infini sans chemin »[2].
Nous reconnaitre les uns face aux autres c’est définir de nouveaux termes pour créer un langage qui nous réunira autour de problématiques actuelles, de réflexions et d’œuvres collectives. Déjà en 1978, Nelson Goodman écrivait qu’il ne suffit pas de « prélever de l’eau en des endroits dispersés, il faut plutôt coordonner les échantillons »[3].
Affirmer enfin l’idée d’unité et abolir tout face à face entre ce que nous appelons le réel, et nous. Le monde n’est pas achevé, il ne saurait l’être. Le temps est circulaire et comme une trombe marine qui aspire le ciel pour le jeter dans l’océan, le passé s’engouffre vers le futur et crée un va-et-vient permanent. Depuis son ancestralité jusqu’à aujourd’hui, notre terre est comme toute œuvre d’art, elle se recrée en permanence.
Nous proposons de reconnaître que chaque pensée émet un nouveau monde, de reconnaître l’art comme moyen de redécouverte et comme force de proposition, de reconnaître aussi que notre terre existe, indépendante des Hommes et d’affirmer que si elle existe indépendamment, elle ne se confronte pas à nous. Nous avons la possibilité de réinventer notre rapport au monde en repensant et refondant nos actes créatifs, un art qui étend sa définition et crée de nouveaux espaces-temps.
Nous affirmons que ce qu’il faut sauver, c’est l’âme du monde et cela en la conservant dans nos mémoires, mondes en elles-mêmes. Nous sommes en mouvement perpétuel, en permanente réinvention. Nous sommes soumis aux changements climatiques comme nous sommes soumis aux intuitions multiples.
La reconnaissance c’est trouver de nouvelles voies pour la connaissance du réel, de nouvelles façons d’être présents face à un futur imminent. Pour retenir ce qu’il faut retenir et laisser filer ce qui ne doit pas être poursuivi, il faut dépasser nos finitudes, lever les amarres pour naviguer vers un destin collectif. La reconnaissance c’est l’intuition qu’il reste des lieux inexplorés, des pensées à bâtir, des explorations à entreprendre, ensemble.
1. Simon Hantai
2. Pablo Neruda
3. Nelson Goodman
Alizée Gazeau
editorial
Our land is an immanent island framed by the sea. On the waves, conscious of our common destiny, we are standing together at the bow of a ship set out on a reconnaissance mission. The spaces traced by our pencil strokes compose superimposed realities.
One reality unites us all: an insular land surrounded by infinite foam. This land we walk on, inhabit, describe, draw, photograph, measure, takes shape within us and is defined by all the events we share, experience, archive. We state that our intuitions emerge in the tangible world to unite with it and to form one same entity. As we create, we inflect the spacetime continuum, from our inner realities towards external dynamics.
We must reconnoiter this land we live on, starting by accepting “ the absolute non-reponse”[1], that is to say, “the infinite without a path”.[2]
Recognizing each other’s perspectives defines new terms towards creating a language that will bring us together around current issues, reflections and collective artworks. In 1978, Nelson Goodman already wrote that taking “water from scattered places” wasn’t enough, “rather, we must coordinate the samples”.[3]
At last, we must reaffirm the idea of unity and abolish any opposition between what we can reality and ourselves. The world is not finite, it cannot be. Time is circular, and as a waterspouts suck up the sky to throw it into the ocean, past continually rushes towards future in a permanent to-and-fro. From ancestral times to the present day, our earth, like any work of art, continually recreates itself. We propose to acknowledge that every thought emits a new world, to recognize art as a means of rediscovery and as a driving force. To recognize, also that our earth exists independently of Humankind, and that if it exists independently, to affirm that it does not confront us. We have the opportunity to reinvent our relationship to the world by rethinking and re-founding our creative acts, towards an art that extends its own definition and creates new space-times.
We ought to save the world’s soul, by preserving it in our memories, worlds in themselves. We are in perpetual motion, in permanent reinvention. Subjected to climate change just as we are to multiple intuitions.
Recognition means finding new ways of apprehending reality, new ways of being present in the face of an imminent future. In order to retain what must be retained and to let the sea wash away what must not be pursued, we must go beyond our finitudes, raise anchor, cast off and sail towards a collective destiny. Recognition is the intuition that there remains places to discover, thoughts to build, explorations to undertake, together.
1. Simon Hantai
2. Pablo Neruda
3. Nelson Goodman
Recognition (detail)
silkscreen on Arches Paper, 89x60 cm, December 2019
Limited edition of 50
Yorgos Yatromanolakis, Lagoon, 2019, fine art print on cotton paper, 16x24 cm
Texts written for RECOGNITION
Livia Parmantier
Yorgos Yatromanolakis, L’émerveillement pour mieux s’approcher du réel
Les images photographiques de Yorgos Yatromanolakis ouvrent un passage vers le mystère et les univers complexes. Elles cherchent à capter l’étrangeté de ce qui est familier dans la nature et à en saisir les métamorphoses du quotidien.
Lorsque l’imprévu du monde rend le rapport au réel incertain, l’émerveillement peut être une voix par laquelle réinventer le rapport au vivant.
Plutôt qu’une reddition, Yorgos Yatromanolakis choisit d’explorer le monde, d’en approcher la féérie sous des angles inédits. En pleine nature, il capte des dynamiques pourtant invisibles à l’œil exercé, et sait tirer des éléments de la vie une dimension magique. Le flash éblouissant de l’appareil photographique perce l’obscurité d’un paysage nocturne et suggère une myriade de formes et de couleurs. La lumière du soleil, suspendue entre jour et nuit, révèle, dans cette phase de transition, les mouvements insoupçonnés du cycle de la nature. Les animaux, les plantes, les étoiles, la pluie, les figures humaines se laissent surprendre dans ces instantanés d’existence.
Dans Lagoon, les contours s’estompent, ils s’évaporent autour d’un lac suggéré ; les arbres transpercent l’eau de leurs branches et le paysage s’offre sans repères, ni du ciel, ni de la terre. Il s’effacerait, tout comme sa provenance - si la légende n’indiquait pas la Crète. L’immensité voisine avec l’infiniment petit, la nature échappe, à toute reconnaissance exacte, tant et si bien qu’on éprouve le besoin de la réinventer.
Quentin Latour Dauvergne
Le Territoire du Temps
Au moment du départ, un dernier regard vers ce que l’on quitte est la tentative de cristalliser 1 ce lieu, ce moment, dans lequel nous ne saurions trouver ce qui nous anime. Ce qui nous met justement en mouvement, cette recherche d’un élément connu, du point de comparaison en miroir qui nous définit autant que nous le définissons, est vital à toute création nouvelle. Pourtant, ce n’est pas ici mais dans l’ailleurs, qu’il nous faut le trouver.
L’ailleurs ou le fantasme de l'altérité, est séparé de nous par un chemin qui transforme, qui dénature, qui défigure : le temps.
Les objets qu’il conserve, et porte jusqu’à nous dans le flot de ses ondulations continues, se laissent saisir d’un geste de la main.
À la découverte de ces traces, dont Marx soulignait les danger de les confondre avec la norme 2, nous ressentons la distance qui jadis nous éloignait d’eux, les éloignait de nous. Nous ressentons également l’absence du contexte perdu dans lequel ces traces – Figurae 3 – se sont imprégnées dans l’argile du lieu qui les contient et nous supporte à présent. Toujours remodelé, il reste pourtant le même. Cette permanence est la toile, le locus, où s’impriment les uns après les autres des gestes chacun informé par le précédant. Entrent en résonance les silences qui espacent les notes, longue conversation dont la portée incomplète se livre à l'interprétation.
Déchiffrer, reconnaître où nous sommes, et comment jouer, demande un sens historique 4. Le poète, le musicien, le peintre, le sculpteur, l’architecte, doivent lire notes et silences, signes et distances, pour harmoniser à leur tour. Cette responsabilité est libératrice, car c’est à travers elle que nous trouvons ensemble notre place dans quelque chose de plus grand que nous, entre deux éternités 5
Comme la rencontre avec Pompei, c’est dans le montage de temporalités décalées que nous trouvons le sentiment du voyage, et c’est en lui que nous nous reconnaissons, dans l’interaction émotionnelle d’une expérience partagée. Cette rencontre est aussi celle du factuel et de l’actuel 6, du souvenir et du maintenant, et permet à ce qui est resté longtemps muet de parler à nouveau, à chacun.
Le face à face est en translation, la dichotomie de l’homme et du monde laisse place au regard vers notre alter ego immortel 7, et dans cette extase du présent, ce vide propice à la mémoire, nous pouvons finalement ne faire qu’un avec le soleil et la pierre.8
Nous levons les yeux. Le paysage, statique, est le même. Le voyage nous apparaît cependant encore, accumulé en lui, alors que nous prenons soin de voir, comme l’indiquait Marcel Proust, “l’univers avec les yeux d’un autre, de cent autres, de voir les cent univers que chacun d’eux voit, que chacun d’eux est.”9
1. Stendhal, de l’amour, 1822
2. Karl Marx : le paradoxe de l'œuvre ou l'enfance de l'art, 1963
3. Erich Auerbach, Figura, 1938
4. T.S. Eliot, Tradition and the individual talent, 191
5. Vladimir Nabokov, Speak Memory, 1966
6. Josef Albers, l’interaction des couleurs, 1963
7.Sibyl Moholy Nagy, future of the past, 1961
8. Vladimir Nabokov, op.cit.
9. Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, 1923
Collectif MASI
Madlen Anipsitaki & Simon Riedler
Un réseau en fil dans le tissu urbain
« Un filet est fait de multiple fils reliés entre eux. Toutefois ni l'ensemble de ce réseau ni la forme qu'y prend chacun des différents fils ne s'expliquent à partir d'un seul de ces fils, ni de tous les fils eux-mêmes ; ils s'expliquent uniquement par leur association, leur relation entre eux. » Norbert Elias, La société des individus, (1ère édition en allemand, 1987), Paris, Fayard, 1991.
Dans un village de Mexico et un square délabré de la ville de Guatemala comme dans 7 autres villes d’Amérique latine, nous avons proposé un dispositif qui prend vie au passage des personnes : des sculptures-bobines enroulant au moins un kilomètre de fil coloré. Tou.te.s sont invité.es à dérouler les fils et créer un réseau social matérialisé en les reliant, nouant, accrochant, entrecroisant aux éléments existants (arbres, bancs, grilles, portes, fenêtres...).
Le réseau en fil matérialise le filet (Elias, 1987) de l'ensemble des liens sociaux.
Le filet protège – filet de sécurité, en même temps qu’il relie. Il insère l’individu-fil dans un réseau d’interdépendances.
Dans la création du réseau en fil par les acteurs, l’acte de participation isolé ne prend sens qu’associé à ceux des autres. Le processus compte plus que le résultat, la construction par itération fait que chaque acteur est interdépendant avec les autres et compte pour les autres. Son identité peut ainsi être mise en jeu et construite par l’inscription dans un ensemble matériel de liens sociaux qui lui assurent la reconnaissance d'autrui.
Intervenant dans des sites où les acteurs sont souvent disqualifiés socialement (Paugam, 2009) avec des ruptures de lien entraînant des dénis de reconnaissance, notre dispositif de scénographie urbaine simple, ludique et coloré cherche à inclure toutes et tous et à les rendre actrices et acteurs. Tou.te.s sont autorisé.es, légitimes à créer le filet ou réseau social matérialisé par des fils.
Ouverture de bal
Toi "el Rata" le Rat tu te l’es tatoué au coeur. Le stigmate tu te l’es percé à l’encre sous l’épiderme. Dans le village au coeur de Mexico tout le monde se connaît. Des frères s’entre-déchirent pour des différends religieux. Toi, el Rata, tu es accroc à la colle, à l’alcool, souvent tu erres loque de trottoir. Mais ici, à Magdalena Atlazolpa, ton compère d’ivresse est employé au supermarché. Toi, jour de marché coloré tu es employé, sur le trottoir les fruits et légumes tu vends à l’ombre orange de la tente.
1er jour du réseau en fil, les sculptures à peine installées, tu t’es enflammé. Tu t’élances fil à la main tu voles poste de marché-banc-arbre, y enroule le fil passionnément, les passants paniqués crient "au voleur !".
El Rata a inventé des 1ers pas de danse incompréhensibles pris isolément, sa communauté le renvoie donc à son statut de déviant et l'accuse de vol.
1. Elias (1991) invite à se représenter la société comme un groupe de danseurs, par exemple d’une danse grecque. Chaque danseur règle tous les pas, gestes et mouvements sur ceux des autres danseurs et danseuses. Nous invitons donc la communauté à suivre la danse initiée par El Rata et à inventer leur danse déviante. Où les voleurs sont volants. Aux aguets durant dix douze jours nous scrutons la rue et nos sens s'altèrent...
Guatemala. Feu
Bruissement de feuilles dans une forêt de klaxons survolée par le vrombissement d'un avion, à moins qu'il s'agisse d'un camion. Klaxons-oiseaux, motos-lions, voitures-mer, musique-nuage
chaussures-palmes, cheveux-bosquet, doigts-fils
Tout est autre, ici la réalité s’invente
La scène, offerte ouverte spontanée
La réalité n’est plus ce qu’elle serait
Faidra Vasileiadou
Athens is alive
Athens is alive. Athens is more alive than we see on instagram stories or facebook posts. In a highly dazed world, Athens is the vivid image of all that we can't actually see. At this very moment, in the heart of the Athenian downtown, movements and marches are revolting after many brutally social and political changes from the newly elected right-wing goverment. Not so many years ago, the Greek military Junta (1967-1974) was a series of far-right millitaries that ruled Greece. Some may say that the 1967 Greek coup d'état, this group of colonels that used to address the greek population by "we decide and we order" (in Greek: αποφασίζομεν και διατάσσομεν) is a scenario of science fiction in 2019. Formidable as it seems, units of cops spilled onto Exarcheia region and while beating someone almost to death, they were shouting at him "JUNTA IS HERE". The banality of living in the land of Democracy-but yet feeling imprisoned and oppressed-had me cogitate about the word "recognition", a word fading away in it's own significance. Recognition is, as the word goes, the change from ignorance to knowledge. In other words, the acceptance of truth, embracing all flaws and frailties as to gain momentum. Eventually, rising through ashes, we regenerate. Bloody but unbowed, knowing the social and political environment in it's true depth, is a remarkable step towards change and evolution. Hoping that a new era is rising all over Europe, I quote the verses of the poem "I look at the world" by Langston Hughes: "I look at my own body/With eyes no longer blind-/And I see that my own hands can make/The world that's in my mind".
Guillaume Logé
La Renaissance Sauvage, PUF, 2019, p-98-99
« À quoi aboutissons-nous, alors ? À l’intégration du mystère dans la raison. Être rationnel, à l’ère de la Renaissance sauvage, c’est prendre conscience que ce que nous pouvons appeler un mystère, inamovible, fait partie intégrante du réel. La cosmologique, tout en réclamant la poursuite la plus exigeante des efforts de la science, indispensables à la progression du savoir, demande dans le même temps l’intégration du mystère à la connaissance.
Deux conséquences, au moins, en découlent. Le mystère n’est pas un échec de la pensée, mais au contraire une pensée mâture et responsable, qui se fait plus proche de ce qu’est le réel. Il ne signifie pas un reflux de l’intelligence, qui cesserait de s’interroger, mais bien l’obligation d’investigations sérieuses dans le champ du poétique (c’est notamment le travail magistral mené par l’essayiste et poète Kenneth White et par le physicien Basarab Nicolescu). Sciences et poétique fonctionnent ensemble. La science mène au savoir, la poétique à la conscience. La poétique ne nous renseigne pas sur le contenu du mystère, elle nous permet d’en prendre conscience, de le ressentir, de l’intégrer et d’agir en sa présence. Elle regarde le monde, et elle permet d’achever de comprendre. Elle est le maillon final qui scelle l’unité. D’où le langage poétique, qui n’est pas un langage qui dévoile. Le mystère, s’il est mouvant, n’en demeure pas moins mystère, il n’est pas « découvert » par la poétique. La poétique a pour fonction de le rendre présent. Elle le fait à travers le poème (à entendre comme toute manifestation de l’essence de la poétique). Retenons ceci : l’envers du poème est la ligne sans substance de la connexion absolue (le poème en tant que poétique) ; son endroit (face et lieu) : ce texte, cette image, ce son… cette vibration (le poème en tant que trace).
Le mystère, ce n’est pas rien. C’est un il y a auquel l’homme ne peut pas accéder. C’est une donnée aux frontières mobiles mais indépassable pour nous dans sa totalité. Il est la marque indélébile d’une limitation et d’une finitude de l’homme que nous ne pouvons et ne devons pas évacuer, et c’est la deuxième grande conséquence à tirer. Reconnaître le mystère, c’est reconnaître notre limitation et admettre ainsi que nous devons renoncer définitivement à l’idée que nous pourrions, un jour, percer le mystère du réel. L’humanité n’a pas pour vocation de devenir maître du monde, mais d’être dans le monde. Le but de la science et de l’investigation poétique est de nous intégrer, de faire corps avec, de nous mettre en capacité, non pas de heurter la logique du cosmos et de lui imposer notre volonté et nos modèles préconçus, mais de « danser » avec elle.
ALLER
À chaque instant l’aube
S’abstraire
D’un langage
L’autre
Pour ce lier
Là
Cet instinct
Là
Ce qu’on nomme ensemble
Ça reprend d’un magnétisme
De pôles immensément recouverts
De glaces
Cette translucidité d’abord
Spiritualité du dehors
Venant de nulle part
De partout
Des cris d’animaux
Des fourrés que l’on écarte
Des volcans
Des flaques miroitant le ciel
Sur n’importe quelle surface
Fossile
La forme avant terme éternellement
Comme possibilité
Le vent siffle
Aux embrasures
Où le sauvage se découpe
À venir
Nicolàs Amaro
Una naturaleza de tes negra
Necesitamos un nuevo concepto de naturaleza, una naturaleza de tes negra. Desde la visión proyectada desde la modernidad a la antigüedad, vemos a los prehistóricos reconociendo deidades y fuerzas sobrenaturales donde no pudieron comprender, carentes del conocimiento científico se diría. La naturaleza en la antigüedad era misterio y fuerza indomable. Quizá afectable mediante ritos. La modernidad, el desarollo industrial y el pensamiento ciéntifico generaron un concepto de naturaleza como recurso finito. La naturaleza pasó a ser algo conocido, transparente a la visión del hombre, luego calculable y administrable. Desde entonces sería materia prima para las necesidades del hombre. Pero hay algo más. Hay algo más que escapa de esta manera de entender. De esto da cuenta la crisis medioambiental actual. Hay algo vivo que escapa a nuestras descripciones. Necesitamos volver a mirar la naturaleza, de una manera nueva. Necesitamos crear nuevas imagenes de la naturaleza. ¿Pero cómo es posible ver algo de una manera nueva? ¿no es acaso todo ver, reconocer? El primer paso es crear imágenes en que no reconozcamos la naturaleza, imágenes que nos hagan desconocer la naturaleza. Oscuras, opacas. La tes negra de la naturaleza.
Maud Haon
Gustave Moreau "Hors de ce monde"
« Hors de ce monde », telle est l’invitation à laquelle nous convie l’art de Gustave Moreau. Ermite en plein Paris, Moreau est demeuré à l’écoute du monde qui l’entoure. Délaissant les sujets contemporains, il privilégie ses visions intérieures, ses « Cosa mentale », et en « ouvrier assembleur de rêve » – comme il aime à se définir – il puise savamment dans le réel et la nature les éléments nécessaires pour donner corps aux « Idées » qui l’habitent, voire le hantent. « À rebours » d’un XIXe siècle en quête de progrès, le processus de création est laborieux pour lui permettre de « re-connaître » les vérités cachées de la nature et édifier sa poétique du vivant. Ce cheminement, le photographe Yorgos Yatromanolakis le transpose dans la création contemporaine, en transmuant son langage plastique en regard avec la nature crétoise. Sa création s’inscrit à l’unisson avec la nature et son rythme. S’imposant un temps long de pose et de développement, il laisse aux éléments de la nature le temps pour se révéler à l’objectif, puis sur le papier et enfin dans la rétine du regardeur. Les formes fantomatiques des plantes se découpant sur une surface glacée suggèrent la fragilité et la mort, pourtant leurs racines laissent entrevoir leur force vitale et la nécessité de savoir « re-connaître » ce chant muet. Sur les pas de Moreau, Yatromanolakis transforme et transgresse : le chant de la nature se substitue à l’actualité, le temps de la création n’est plus l’immédiateté mais l’immuable cycle de la vie.
EXHIBITIONS
Publication d'Art Non linéaire - RECOGNITION
Cité Internationale des Arts
Paris, January 2020
Yorgos Yatromanolakis,'the splitting of the chrysalis and the slow unfolding of the wings'
editing and design Yorgos Yatromanolakis, 2014-2018, Greece
Alizée Gazeau, FT-1, FT-6, acrylic and cyanotype on canvas, 20x30 cm
Bianca Lee Vasquez, La Naturaleza, 2020, wax and an old mirror
Red De Hilos, 2020, performance
Collective MASI - Madlen Anipsitaki & Simon Riedler installation protocle for a performance with the New York/Paris based choregrapher dancer Thea Bautista (Althea Dance Compagny)
Thea Bautista, performance "LAZAR" with Althea Dance Compagny, Cité Internationale des Arts, Paris, 2020
Althea Dance Compagny, Collectif MASI, a collaborative performance, proposed by Publication d'Art Non linéaire, as part of Recognition exhibition, Cité Internationale des Arts, Paris, January 2020
DISCUSSIONS
HARMONY TO COME...
Cité Internationale des Arts
Paris, January 2020
Residents of Cité Internationale des Arts, participants of Recognition and artists invited
January 2020
Discussion on the idea of Harmony for the third edition
Publication d'Art Non linéaire - RECOGNITION
Voltaire Emerige Mécénat
Paris, December 2020
Exhibition view, Yorgos Yatromanolakis & Horizons, Silkscreen printed on Arches Paper
limited edition of 50, 2019
Exhibition view, Recognition, Silkscreen printed on Arches Paper
limited edition of 50, 2019
First Chapter - Second Edition
RECOGNITION
Recognition
silkscreen on Arches Paper, 89x60 cm
December 2019, limited edition of 50
Alizée Gazeau
éditorial
Notre terre est une ile immanente encadrée par la mer. Sur les flots, conscients d’un destin commun, nous sommes tous à la proue d’un navire parti en reconnaissance. Les espaces, tracés par nos coups de crayons composent des réalités superposées.
Une réalité nous unit tous : une seule terre insulaire enveloppée par l’écume infinie. Cette terre que nous habitons, décrivons, dessinons, photographions, arpentons prend forme en nous et se définit par tous les événements que nous partageons, expérimentons, archivons. Nous affirmons que nos intuitions émergent dans le monde concret pour s’unir avec lui et former une seule et même entité créatrice. Nous infléchissons l’espace-temps depuis nos réalités intérieures vers des dynamiques extérieures.
Il faut connaître cette terre où nous vivons, commencer en acceptant « l’absolue non-réponse, c’est à dire l’infini »[1], c’est à dire « l’infini sans chemin »[2].
Nous reconnaitre les uns face aux autres c’est définir de nouveaux termes pour créer un langage qui nous réunira autour de problématiques actuelles, de réflexions et d’œuvres collectives. Déjà en 1978, Nelson Goodman écrivait qu’il ne suffit pas de « prélever de l’eau en des endroits dispersés, il faut plutôt coordonner les échantillons »[3].
Affirmer enfin l’idée d’unité et abolir tout face à face entre ce que nous appelons le réel, et nous. Le monde n’est pas achevé, il ne saurait l’être. Le temps est circulaire et comme une trombe marine qui aspire le ciel pour le jeter dans l’océan, le passé s’engouffre vers le futur et crée un va-et-vient permanent. Depuis son ancestralité jusqu’à aujourd’hui, notre terre est comme toute œuvre d’art, elle se recrée en permanence.
Nous proposons de reconnaître que chaque pensée émet un nouveau monde, de reconnaître l’art comme moyen de redécouverte et comme force de proposition, de reconnaître aussi que notre terre existe, indépendante des Hommes et d’affirmer que si elle existe indépendamment, elle ne se confronte pas à nous. Nous avons la possibilité de réinventer notre rapport au monde en repensant et refondant nos actes créatifs, un art qui étend sa définition et crée de nouveaux espaces-temps.
Nous affirmons que ce qu’il faut sauver, c’est l’âme du monde et cela en la conservant dans nos mémoires, mondes en elles-mêmes. Nous sommes en mouvement perpétuel, en permanente réinvention. Nous sommes soumis aux changements climatiques comme nous sommes soumis aux intuitions multiples.
La reconnaissance c’est trouver de nouvelles voies pour la connaissance du réel, de nouvelles façons d’être présents face à un futur imminent. Pour retenir ce qu’il faut retenir et laisser filer ce qui ne doit pas être poursuivi, il faut dépasser nos finitudes, lever les amarres pour naviguer vers un destin collectif. La reconnaissance c’est l’intuition qu’il reste des lieux inexplorés, des pensées à bâtir, des explorations à entreprendre, ensemble.
1. Simon Hantai
2. Pablo Neruda
3. Nelson Goodman
Alizée Gazeau
editorial
Our land is an immanent island framed by the sea. On the waves, conscious of our common destiny, we are standing together at the bow of a ship set out on a reconnaissance mission. The spaces traced by our pencil strokes compose superimposed realities.
One reality unites us all: an insular land surrounded by infinite foam. This land we walk on, inhabit, describe, draw, photograph, measure, takes shape within us and is defined by all the events we share, experience, archive. We state that our intuitions emerge in the tangible world to unite with it and to form one same entity. As we create, we inflect the spacetime continuum, from our inner realities towards external dynamics.
We must reconnoiter this land we live on, starting by accepting “ the absolute non-reponse”[1], that is to say, “the infinite without a path”.[2]
Recognizing each other’s perspectives defines new terms towards creating a language that will bring us together around current issues, reflections and collective artworks. In 1978, Nelson Goodman already wrote that taking “water from scattered places” wasn’t enough, “rather, we must coordinate the samples”.[3]
At last, we must reaffirm the idea of unity and abolish any opposition between what we can reality and ourselves. The world is not finite, it cannot be. Time is circular, and as a waterspouts suck up the sky to throw it into the ocean, past continually rushes towards future in a permanent to-and-fro. From ancestral times to the present day, our earth, like any work of art, continually recreates itself. We propose to acknowledge that every thought emits a new world, to recognize art as a means of rediscovery and as a driving force. To recognize, also that our earth exists independently of Humankind, and that if it exists independently, to affirm that it does not confront us. We have the opportunity to reinvent our relationship to the world by rethinking and re-founding our creative acts, towards an art that extends its own definition and creates new space-times.
We ought to save the world’s soul, by preserving it in our memories, worlds in themselves. We are in perpetual motion, in permanent reinvention. Subjected to climate change just as we are to multiple intuitions.
Recognition means finding new ways of apprehending reality, new ways of being present in the face of an imminent future. In order to retain what must be retained and to let the sea wash away what must not be pursued, we must go beyond our finitudes, raise anchor, cast off and sail towards a collective destiny. Recognition is the intuition that there remains places to discover, thoughts to build, explorations to undertake, together.
1. Simon Hantai
2. Pablo Neruda
3. Nelson Goodman
Recognition (detail)
silkscreen on Arches Paper, 89x60 cm, December 2019
Limited edition of 50
Yorgos Yatromanolakis, Lagoon, 2019, fine art print on cotton paper, 16x24 cm
Texts written for RECOGNITION
Livia Parmantier
Yorgos Yatromanolakis, L’émerveillement pour mieux s’approcher du réel
Les images photographiques de Yorgos Yatromanolakis ouvrent un passage vers le mystère et les univers complexes. Elles cherchent à capter l’étrangeté de ce qui est familier dans la nature et à en saisir les métamorphoses du quotidien.
Lorsque l’imprévu du monde rend le rapport au réel incertain, l’émerveillement peut être une voix par laquelle réinventer le rapport au vivant.
Plutôt qu’une reddition, Yorgos Yatromanolakis choisit d’explorer le monde, d’en approcher la féérie sous des angles inédits. En pleine nature, il capte des dynamiques pourtant invisibles à l’œil exercé, et sait tirer des éléments de la vie une dimension magique. Le flash éblouissant de l’appareil photographique perce l’obscurité d’un paysage nocturne et suggère une myriade de formes et de couleurs. La lumière du soleil, suspendue entre jour et nuit, révèle, dans cette phase de transition, les mouvements insoupçonnés du cycle de la nature. Les animaux, les plantes, les étoiles, la pluie, les figures humaines se laissent surprendre dans ces instantanés d’existence.
Dans Lagoon, les contours s’estompent, ils s’évaporent autour d’un lac suggéré ; les arbres transpercent l’eau de leurs branches et le paysage s’offre sans repères, ni du ciel, ni de la terre. Il s’effacerait, tout comme sa provenance - si la légende n’indiquait pas la Crète. L’immensité voisine avec l’infiniment petit, la nature échappe, à toute reconnaissance exacte, tant et si bien qu’on éprouve le besoin de la réinventer.
Quentin Latour Dauvergne
Le Territoire du Temps
Au moment du départ, un dernier regard vers ce que l’on quitte est la tentative de cristalliser 1 ce lieu, ce moment, dans lequel nous ne saurions trouver ce qui nous anime. Ce qui nous met justement en mouvement, cette recherche d’un élément connu, du point de comparaison en miroir qui nous définit autant que nous le définissons, est vital à toute création nouvelle. Pourtant, ce n’est pas ici mais dans l’ailleurs, qu’il nous faut le trouver.
L’ailleurs ou le fantasme de l'altérité, est séparé de nous par un chemin qui transforme, qui dénature, qui défigure : le temps.
Les objets qu’il conserve, et porte jusqu’à nous dans le flot de ses ondulations continues, se laissent saisir d’un geste de la main.
À la découverte de ces traces, dont Marx soulignait les danger de les confondre avec la norme 2, nous ressentons la distance qui jadis nous éloignait d’eux, les éloignait de nous. Nous ressentons également l’absence du contexte perdu dans lequel ces traces – Figurae 3 – se sont imprégnées dans l’argile du lieu qui les contient et nous supporte à présent. Toujours remodelé, il reste pourtant le même. Cette permanence est la toile, le locus, où s’impriment les uns après les autres des gestes chacun informé par le précédant. Entrent en résonance les silences qui espacent les notes, longue conversation dont la portée incomplète se livre à l'interprétation.
Déchiffrer, reconnaître où nous sommes, et comment jouer, demande un sens historique 4. Le poète, le musicien, le peintre, le sculpteur, l’architecte, doivent lire notes et silences, signes et distances, pour harmoniser à leur tour. Cette responsabilité est libératrice, car c’est à travers elle que nous trouvons ensemble notre place dans quelque chose de plus grand que nous, entre deux éternités 5
Comme la rencontre avec Pompei, c’est dans le montage de temporalités décalées que nous trouvons le sentiment du voyage, et c’est en lui que nous nous reconnaissons, dans l’interaction émotionnelle d’une expérience partagée. Cette rencontre est aussi celle du factuel et de l’actuel 6, du souvenir et du maintenant, et permet à ce qui est resté longtemps muet de parler à nouveau, à chacun.
Le face à face est en translation, la dichotomie de l’homme et du monde laisse place au regard vers notre alter ego immortel 7, et dans cette extase du présent, ce vide propice à la mémoire, nous pouvons finalement ne faire qu’un avec le soleil et la pierre.8
Nous levons les yeux. Le paysage, statique, est le même. Le voyage nous apparaît cependant encore, accumulé en lui, alors que nous prenons soin de voir, comme l’indiquait Marcel Proust, “l’univers avec les yeux d’un autre, de cent autres, de voir les cent univers que chacun d’eux voit, que chacun d’eux est.”9
1. Stendhal, de l’amour, 1822
2. Karl Marx : le paradoxe de l'œuvre ou l'enfance de l'art, 1963
3. Erich Auerbach, Figura, 1938
4. T.S. Eliot, Tradition and the individual talent, 191
5. Vladimir Nabokov, Speak Memory, 1966
6. Josef Albers, l’interaction des couleurs, 1963
7.Sibyl Moholy Nagy, future of the past, 1961
8. Vladimir Nabokov, op.cit.
9. Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, 1923
Collectif MASI
Madlen Anipsitaki & Simon Riedler
Un réseau en fil dans le tissu urbain
« Un filet est fait de multiple fils reliés entre eux. Toutefois ni l'ensemble de ce réseau ni la forme qu'y prend chacun des différents fils ne s'expliquent à partir d'un seul de ces fils, ni de tous les fils eux-mêmes ; ils s'expliquent uniquement par leur association, leur relation entre eux. » Norbert Elias, La société des individus, (1ère édition en allemand, 1987), Paris, Fayard, 1991.
Dans un village de Mexico et un square délabré de la ville de Guatemala comme dans 7 autres villes d’Amérique latine, nous avons proposé un dispositif qui prend vie au passage des personnes : des sculptures-bobines enroulant au moins un kilomètre de fil coloré. Tou.te.s sont invité.es à dérouler les fils et créer un réseau social matérialisé en les reliant, nouant, accrochant, entrecroisant aux éléments existants (arbres, bancs, grilles, portes, fenêtres...).
Le réseau en fil matérialise le filet (Elias, 1987) de l'ensemble des liens sociaux.
Le filet protège – filet de sécurité, en même temps qu’il relie. Il insère l’individu-fil dans un réseau d’interdépendances.
Dans la création du réseau en fil par les acteurs, l’acte de participation isolé ne prend sens qu’associé à ceux des autres. Le processus compte plus que le résultat, la construction par itération fait que chaque acteur est interdépendant avec les autres et compte pour les autres. Son identité peut ainsi être mise en jeu et construite par l’inscription dans un ensemble matériel de liens sociaux qui lui assurent la reconnaissance d'autrui.
Intervenant dans des sites où les acteurs sont souvent disqualifiés socialement (Paugam, 2009) avec des ruptures de lien entraînant des dénis de reconnaissance, notre dispositif de scénographie urbaine simple, ludique et coloré cherche à inclure toutes et tous et à les rendre actrices et acteurs. Tou.te.s sont autorisé.es, légitimes à créer le filet ou réseau social matérialisé par des fils.
Ouverture de bal
Toi "el Rata" le Rat tu te l’es tatoué au coeur. Le stigmate tu te l’es percé à l’encre sous l’épiderme. Dans le village au coeur de Mexico tout le monde se connaît. Des frères s’entre-déchirent pour des différends religieux. Toi, el Rata, tu es accroc à la colle, à l’alcool, souvent tu erres loque de trottoir. Mais ici, à Magdalena Atlazolpa, ton compère d’ivresse est employé au supermarché. Toi, jour de marché coloré tu es employé, sur le trottoir les fruits et légumes tu vends à l’ombre orange de la tente.
1er jour du réseau en fil, les sculptures à peine installées, tu t’es enflammé. Tu t’élances fil à la main tu voles poste de marché-banc-arbre, y enroule le fil passionnément, les passants paniqués crient "au voleur !".
El Rata a inventé des 1ers pas de danse incompréhensibles pris isolément, sa communauté le renvoie donc à son statut de déviant et l'accuse de vol.
1. Elias (1991) invite à se représenter la société comme un groupe de danseurs, par exemple d’une danse grecque. Chaque danseur règle tous les pas, gestes et mouvements sur ceux des autres danseurs et danseuses. Nous invitons donc la communauté à suivre la danse initiée par El Rata et à inventer leur danse déviante. Où les voleurs sont volants. Aux aguets durant dix douze jours nous scrutons la rue et nos sens s'altèrent...
Guatemala. Feu
Bruissement de feuilles dans une forêt de klaxons survolée par le vrombissement d'un avion, à moins qu'il s'agisse d'un camion. Klaxons-oiseaux, motos-lions, voitures-mer, musique-nuage
chaussures-palmes, cheveux-bosquet, doigts-fils
Tout est autre, ici la réalité s’invente
La scène, offerte ouverte spontanée
La réalité n’est plus ce qu’elle serait
Faidra Vasileiadou
Athens is alive
Athens is alive. Athens is more alive than we see on instagram stories or facebook posts. In a highly dazed world, Athens is the vivid image of all that we can't actually see. At this very moment, in the heart of the Athenian downtown, movements and marches are revolting after many brutally social and political changes from the newly elected right-wing goverment. Not so many years ago, the Greek military Junta (1967-1974) was a series of far-right millitaries that ruled Greece. Some may say that the 1967 Greek coup d'état, this group of colonels that used to address the greek population by "we decide and we order" (in Greek: αποφασίζομεν και διατάσσομεν) is a scenario of science fiction in 2019. Formidable as it seems, units of cops spilled onto Exarcheia region and while beating someone almost to death, they were shouting at him "JUNTA IS HERE". The banality of living in the land of Democracy-but yet feeling imprisoned and oppressed-had me cogitate about the word "recognition", a word fading away in it's own significance. Recognition is, as the word goes, the change from ignorance to knowledge. In other words, the acceptance of truth, embracing all flaws and frailties as to gain momentum. Eventually, rising through ashes, we regenerate. Bloody but unbowed, knowing the social and political environment in it's true depth, is a remarkable step towards change and evolution. Hoping that a new era is rising all over Europe, I quote the verses of the poem "I look at the world" by Langston Hughes: "I look at my own body/With eyes no longer blind-/And I see that my own hands can make/The world that's in my mind".
Guillaume Logé
La Renaissance Sauvage, PUF, 2019, p-98-99
« À quoi aboutissons-nous, alors ? À l’intégration du mystère dans la raison. Être rationnel, à l’ère de la Renaissance sauvage, c’est prendre conscience que ce que nous pouvons appeler un mystère, inamovible, fait partie intégrante du réel. La cosmologique, tout en réclamant la poursuite la plus exigeante des efforts de la science, indispensables à la progression du savoir, demande dans le même temps l’intégration du mystère à la connaissance.
Deux conséquences, au moins, en découlent. Le mystère n’est pas un échec de la pensée, mais au contraire une pensée mâture et responsable, qui se fait plus proche de ce qu’est le réel. Il ne signifie pas un reflux de l’intelligence, qui cesserait de s’interroger, mais bien l’obligation d’investigations sérieuses dans le champ du poétique (c’est notamment le travail magistral mené par l’essayiste et poète Kenneth White et par le physicien Basarab Nicolescu). Sciences et poétique fonctionnent ensemble. La science mène au savoir, la poétique à la conscience. La poétique ne nous renseigne pas sur le contenu du mystère, elle nous permet d’en prendre conscience, de le ressentir, de l’intégrer et d’agir en sa présence. Elle regarde le monde, et elle permet d’achever de comprendre. Elle est le maillon final qui scelle l’unité. D’où le langage poétique, qui n’est pas un langage qui dévoile. Le mystère, s’il est mouvant, n’en demeure pas moins mystère, il n’est pas « découvert » par la poétique. La poétique a pour fonction de le rendre présent. Elle le fait à travers le poème (à entendre comme toute manifestation de l’essence de la poétique). Retenons ceci : l’envers du poème est la ligne sans substance de la connexion absolue (le poème en tant que poétique) ; son endroit (face et lieu) : ce texte, cette image, ce son… cette vibration (le poème en tant que trace).
Le mystère, ce n’est pas rien. C’est un il y a auquel l’homme ne peut pas accéder. C’est une donnée aux frontières mobiles mais indépassable pour nous dans sa totalité. Il est la marque indélébile d’une limitation et d’une finitude de l’homme que nous ne pouvons et ne devons pas évacuer, et c’est la deuxième grande conséquence à tirer. Reconnaître le mystère, c’est reconnaître notre limitation et admettre ainsi que nous devons renoncer définitivement à l’idée que nous pourrions, un jour, percer le mystère du réel. L’humanité n’a pas pour vocation de devenir maître du monde, mais d’être dans le monde. Le but de la science et de l’investigation poétique est de nous intégrer, de faire corps avec, de nous mettre en capacité, non pas de heurter la logique du cosmos et de lui imposer notre volonté et nos modèles préconçus, mais de « danser » avec elle.
ALLER
À chaque instant l’aube
S’abstraire
D’un langage
L’autre
Pour ce lier
Là
Cet instinct
Là
Ce qu’on nomme ensemble
Ça reprend d’un magnétisme
De pôles immensément recouverts
De glaces
Cette translucidité d’abord
Spiritualité du dehors
Venant de nulle part
De partout
Des cris d’animaux
Des fourrés que l’on écarte
Des volcans
Des flaques miroitant le ciel
Sur n’importe quelle surface
Fossile
La forme avant terme éternellement
Comme possibilité
Le vent siffle
Aux embrasures
Où le sauvage se découpe
À venir
Nicolàs Amaro
Una naturaleza de tes negra
Necesitamos un nuevo concepto de naturaleza, una naturaleza de tes negra. Desde la visión proyectada desde la modernidad a la antigüedad, vemos a los prehistóricos reconociendo deidades y fuerzas sobrenaturales donde no pudieron comprender, carentes del conocimiento científico se diría. La naturaleza en la antigüedad era misterio y fuerza indomable. Quizá afectable mediante ritos. La modernidad, el desarollo industrial y el pensamiento ciéntifico generaron un concepto de naturaleza como recurso finito. La naturaleza pasó a ser algo conocido, transparente a la visión del hombre, luego calculable y administrable. Desde entonces sería materia prima para las necesidades del hombre. Pero hay algo más. Hay algo más que escapa de esta manera de entender. De esto da cuenta la crisis medioambiental actual. Hay algo vivo que escapa a nuestras descripciones. Necesitamos volver a mirar la naturaleza, de una manera nueva. Necesitamos crear nuevas imagenes de la naturaleza. ¿Pero cómo es posible ver algo de una manera nueva? ¿no es acaso todo ver, reconocer? El primer paso es crear imágenes en que no reconozcamos la naturaleza, imágenes que nos hagan desconocer la naturaleza. Oscuras, opacas. La tes negra de la naturaleza.
Maud Haon
Gustave Moreau "Hors de ce monde"
« Hors de ce monde », telle est l’invitation à laquelle nous convie l’art de Gustave Moreau. Ermite en plein Paris, Moreau est demeuré à l’écoute du monde qui l’entoure. Délaissant les sujets contemporains, il privilégie ses visions intérieures, ses « Cosa mentale », et en « ouvrier assembleur de rêve » – comme il aime à se définir – il puise savamment dans le réel et la nature les éléments nécessaires pour donner corps aux « Idées » qui l’habitent, voire le hantent. « À rebours » d’un XIXe siècle en quête de progrès, le processus de création est laborieux pour lui permettre de « re-connaître » les vérités cachées de la nature et édifier sa poétique du vivant. Ce cheminement, le photographe Yorgos Yatromanolakis le transpose dans la création contemporaine, en transmuant son langage plastique en regard avec la nature crétoise. Sa création s’inscrit à l’unisson avec la nature et son rythme. S’imposant un temps long de pose et de développement, il laisse aux éléments de la nature le temps pour se révéler à l’objectif, puis sur le papier et enfin dans la rétine du regardeur. Les formes fantomatiques des plantes se découpant sur une surface glacée suggèrent la fragilité et la mort, pourtant leurs racines laissent entrevoir leur force vitale et la nécessité de savoir « re-connaître » ce chant muet. Sur les pas de Moreau, Yatromanolakis transforme et transgresse : le chant de la nature se substitue à l’actualité, le temps de la création n’est plus l’immédiateté mais l’immuable cycle de la vie.
EXHIBITIONS
Publication d'Art Non linéaire - RECOGNITION
Cité Internationale des Arts
Paris, January 2020
Yorgos Yatromanolakis,'the splitting of the chrysalis and the slow unfolding of the wings'
editing and design Yorgos Yatromanolakis, 2014-2018, Greece
Alizée Gazeau, FT-1, FT-6, acrylic and cyanotype on canvas, 20x30 cm
Bianca Lee Vasquez, La Naturaleza, 2020, wax and an old mirror
Red De Hilos, 2020, performance
Collective MASI - Madlen Anipsitaki & Simon Riedler installation protocle for a performance with the New York/Paris based choregrapher dancer Thea Bautista (Althea Dance Compagny)
Thea Bautista, performance "LAZAR" with Althea Dance Compagny, Cité Internationale des Arts, Paris, 2020
Althea Dance Compagny, Collectif MASI, a collaborative performance, proposed by Publication d'Art Non linéaire, as part of Recognition exhibition, Cité Internationale des Arts, Paris, January 2020
DISCUSSIONS
HARMONY TO COME...
Cité Internationale des Arts
Paris, January 2020
Residents of Cité Internationale des Arts, participants of Recognition and artists invited
January 2020
Discussion on the idea of Harmony for the third edition
Publication d'Art Non linéaire - RECOGNITION
Voltaire Emerige Mécénat
Paris, December 2020
Exhibition view, Yorgos Yatromanolakis & Horizons, Silkscreen printed on Arches Paper
limited edition of 50, 2019
Exhibition view, Recognition, Silkscreen printed on Arches Paper
limited edition of 50, 2019