First Chapter - First Edition
HORIZONS
HORIZONS
silkscreen on Arches Paper, 89x60 cm
December 2019, limited edition of 50
Alizée Gazeau
éditorial
Pour la première édition de PAN, nous prenions Cuba comme point de départ à deux journées de conférences et de conversations entre artistes, écrivains, historiens, philosophes en juin 2018. Les réflexions débutèrent sur une île de textes scénographiée dans l’espace de la Galerie Bubenberg à Paris. Isla Sola, Cuando Todo Horizonte es una Isla d’Onelio Perez Torrez, Jardìn Japonès de Carlos Garaicoa, Les Métamorphoses d’Ovide, L’Idéologie et l’Utopie de Paul Ricoeur, Thomas More, De la Megalomania Ética a la Boberia al Nullpunkt d’Elvia Rosa Castro, L’Odyssée d’Homère.
Les textes guidèrent les échanges, étendus depuis la question de l’utopie, aux révolutions et ouvrant sur de nouvelles lignes d’horizons. Une conférence de Livia Parmantier sur l’impact de la politique castrique sur la création artistique cubaine depuis les années 1980 en deux volets.
NUEVE DIAS SIN FIDEL présenté par son réalisateur, le journaliste et écrivain Jesùs Labandeira Pastor.
Lectures de dramaturgies révolutionnaires par l’historien de la Révolution Française, Baptiste Roger-Lacan : Jules Michelet, Pierre Gaxote, La Convention nationale décrite par Victor Hugo dans Quatre-vingt-treize.
Photographies sur calques de l’installation performance de Bianca Lee Vasquez exposées en transparence sur les miroirs de la galerie.
Isla Sola, Performance réalisée lors du premier voyage de l’artiste à Cuba. Deuxième soir : Évocation de son enfance passée à Miami, de son histoire familiale et de ses origines. Arrivée en France. Racines. Havana, Cuba, décembre 2016. 11 heures du matin. Bianca et moi étions parties ensemble un matin à la recherche de six miroirs dans le Vedado.
Performance rituelle
Le monde en île même et l’horizon immanent
ISLA SOLA
La nature informant l’artiste sur ce qu’elle est, l’artiste annonçant au monde l’éclatement du réel.
Arbre fractal
Une photographie comme témoignage de l’exploration, de l’imbrication des facettes du monde. Une réflexion formelle construite en miroir.
Le territoire d’un cercle
L’Atmosphère solennelle de la réconciliation et de la protection
La Multiplicité des Mondes
Je suis heureuse de présenter la première édition de PAN avec le texte de Lou Skornicki jeune réalisatrice, diplômée d’un master de philosophie sous la direction de Quentin Meillassoux et d’un master de réalisation documentaire. Le tournage de son premier moyen métrage Insilio est prévu à Cuba en 2020. Livia Parmantier participe à l’élaboration de la revue en étant chargée des expositions et des journées de rencontre. Historienne de l’art, elle a soutenu un travail de recherche sur la scène artistique cubaine des années 1990 et elle présente dans ce numéro, le compte rendu de conversations avec Bianca Lee Vasquez. Une nouvelle originale de Jesùs Labandeira Pastor est l’un des piliers de cette œuvre collective « Cuban Horizons ». Atlal Brahimi enfin, est doctorante à l’EHESS et soutenue par la bourse de la Fondation Martine Aublet. Elle élabore une thèse sur les confluences de l’art moderne et contemporain algérien depuis 1962. Elle publie dans ce numéro un article dont le titre, « Horizon bafoué », fait écho aux questions soulevées à partir des conversations sur Cuba pendant les deux journées de juin.
Vagues de surface
Sur ligne d’horizon du réel
Bianca Lee Vasquez, Isla Sola, 2016, silver print of a performance, Las Terrazas, Cuba
Texts written for HORIZONS
Livia Parmantier
Bianca Lee Vasquez, quête solitaire d’une identité multiple
« Il y a une grande série d'événements dans la nature, simples mais mystérieux. Simples pour le monde entier mais mystérieux pour chaque individu. Les exemples sont partout… Mais personne ne sait rien de soi-même, et ne retrouve son origine ou sa fin. Tout le monde entre dans un tour mystérieux et traverse ce que des millions ont vécu. »
Mikhaïl M. Prichvine, Diaries, Moscow: “Pravda”, 1990
La question de l’identité traverse l’histoire de l’homme et celle de l’art. Elle est intimement liée aux territoires ayant vécu des bouleversements historiques et des croisements culturels. L’ile de Cuba en fait partie. Colonisée par les espagnols au XVIe siècle, elle a connu la contrainte et des révisions parfois déchirantes de son identité.
Dès 1959, La Révolution castriste fracture la société cubaine entre « ceux qui partent et ceux qui restent 1». L’identité cubaine va pendant des décennies se partager entre deux mondes, celui de l’intérieur et celui de l’extérieur, issu d’une immigration massive notamment vers Miami. Deux mondes longtemps séparés par le blocus, divisés par l’idéologie mais reliés par l’identité.
Le critique d’art cubain Eugenio Valdès Figueroa associe la relation entre Miami et La Havane à une complicité amoureuse, sans cesse tiraillée entre recherche et rejet de l’autre 2. A l’image du mythe de l’Androgyne chez Platon « Leurs deux moitiés recherchaient leur moitié complémentaire, en vertu d’un désir perpétuel de “complétude” 3».
Ce désir de complétude se ressent dans la pratique artistique de Bianca Lee Vasquez. Née en 1983 à Miami West d’un père équatorien et d’une mère cubaine, elle vit et travaille aujourd’hui à Paris.
La recherche d’identité et de définition de soi est centrale dans son œuvre. La nature, empreinte de la mémoire du temps, demeure un espace privilégié tout comme le corps, en tant que réceptacle de cette quête. Les performances éphémères réalisées par l’artiste, complètent et enrichissent un parcours qu’elle archive et conserve grâce à la vidéo et la photographie.
A Miami West, quartier de sa naissance, la question « d’où viens-tu » est courante. Bianca Lee Vasquez répondait toujours en citant le pays d’origine de sa famille, ce qui révélait une appartenance territoriale associée à une histoire familiale. Comme beaucoup d’enfants d’exilés, l’artiste ne s’était jamais rendue à Cuba. Pouvoir affirmer, « je suis cubaine », sans y avoir jamais été, ne paraissait pas contradictoire. En effet, avant le discours du Président Américain Barack Obama en 2015, l’embargo imposé à Cuba par les États-Unis empêchait toute possibilité de se rendre sur l’île. Les contacts avec le pays étaient quasi inexistants.
Depuis son départ en France, la question de l’identité avait pris une tournure inédite. Pour la première fois, ceux qui l’interrogeaient sur ses origines connaissaient Cuba. Or n’y être jamais allée devenait subitement incongru. De nouvelles interrogations surgissaient et déclenchaient la nécessité d’une confrontation directe.
En novembre 2016, invitée par des amis, l’artiste décide de partir pour Cuba, après une longue hésitation. Sa grand-mère lui avait toujours dit qu’elle ne s’y rendrait qu’après la mort de Fidel Castro. Signe du destin, le 26 novembre, soit quelques jours avant son départ, elle apprendra le décès du guide de la Révolution. Cet événement aussi historique que personnel affectera l’expérience de ce premier voyage.
Arrivée à la Havane, cette ville lointaine lui apparaît familière. Elle reconnait les couleurs, les odeurs, la gestuelle des passants. Le souvenir entretenu par le cercle familial et la physionomie du quartier reconstruit par les émigrés cubains de Miami, véritable « simulacre nostalgique » de l’île, y étaient pour beaucoup.
Isla Sola
Sur place, Bianca Lee Vasquez se réapproprie le territoire en réalisant une expédition en pleine nature. C’est ainsi qu’elle réalise Isla Sola, un performance « quelque part entre La Havane et Las Terazzas », dans une nature où elle choisit de se perdre « pour mieux se retrouver 4 ». Rien n’est planifié à l’avance, mais elle emporte avec elle six miroirs choisissant de se livrer à cet espace inconnu, guidée par l’intuition, et de s’arrêter là où un élément pourrait l’interpeller.
Après des heures de marche, un arbre aux grandes racines retient son attention. A ses pieds se dresse un fragment de nid de termite, tombé de l’une de ses branches. Il dénote par son aspect rugueux, telle une météorite venue du ciel. Dans le chaos végétal de la forêt cet élément constitue une singularité. Bianca Lee Vasquez se lance alors dans un rituel de préparation et dispose chaque miroir autour du nid afin de créer une réflexion de son image sous différents angles et points de vue. En même temps que l’espace s’ouvre spatialement par le jeu des miroirs, l’artiste se laisse happer par la nature environnante, à travers la lenteur du processus et les sonorités ambiantes.
Le corps de l’artiste n’apparaît pas sur la photographie. Face aux limites du langage, la parole est cédée à la nature. Le fragment de nid au centre de la composition s’exprime pour le compte de l’artiste, devient son double de substitution.
C’est dans la vidéo qui documente l’action qu’il devient visible, lors d’une danse effectuée par l’artiste autour de l’installation. Elle apparaît seule, tenant la caméra, recroquevillée près du nid, comme assimilée à son image. Elle accomplit des gestes simples, lents, face aux miroirs, dans un mouvement circulaire et répétitif.
Le jeu de miroirs, par les multiplicités qu’ils révèlent, donnent une nouvelle perception du réel. Ils appellent à une scission de l’identité. L’horizon s’élargit, montrant la simultanéité de plusieurs incarnations dans un même sujet.
Le nid, détaché de son lieu d’appartenance, apparaît, au même titre que l’image de l’artiste, comme la représentation formelle d’une identité échouée. Le titre Isla Sola 5 (Île Seule), apparente la condition de l’artiste à celle de l’Ile faisant référence à sa condition d’isolement, liée à son insularité, amplifiée par sa situation politique et les bouleversements de son histoire. Tout comme l’artiste en quête d’une identité, elle se confronte ici à sa multiplicité, révélée par les miroirs.
Isla Sola permet le rapprochement de l’artiste et de son territoire à travers une condition partagée. Une forme de compréhension mutuelle, de destin commun permettant un rapprochement intime, un accord du corps avec la nature.
1. Juan Pablo Ballester, “Soñando en cubano”, dans Andrès Isaac Santana, Nosotros, los más infieles, Murcia : CENDEAC, p. 299
2. Eugenio Valdés Figueroa, “Los Mapas del Deseo”, dans Nosotros, los más infieles, op. cit., p. 853
3. Octavio Paz cité par Eugenio Valdés Figueroa, “Los Mapas del Deseo”, dans Nosotros los mas Infieles, op. cit., p. 853
4. Entretien avec Bianca Lee Vasquez - 13/11/2018.
5. Titre d’une poésie de la poétesse cubaine Dulce María Loynaz (1902-1997)
Lou Skornicki
Insilio
Lettre à un cubain
« Elle l’exotique, toi l’exotisme. Aujourd’hui, sur le sol de l’ile des caraïbes, l’opposition de vos deux mondes va s’estomper dans un désir commun. Le désir de fantasmer d’autres possibles, d’échapper au connu, d’éprouver son corps et sa tête. Elle, étrangère européenne, toi cubain, tous deux allez vous réunir dans le désir que l’autre incarne le changement, le renouveau, la salvation. Tentative belle et imprudente, vous persévérez, habités par la croyance d’une joyeuse alternative. Mais rapidement l’effervescence vient se heurter au mur de l’oppression et de l’incompréhension.
Écrasé par le poids d’une idéologie sclérosée mais dont les appendices vibrent encore au son de la dictature, tu commences à te débattre comme un lion en cage. Sublime et sans issue, l’impulsivité de ton désir de liberté bouscule mais sans jamais parvenir à abolir les différences. Dans ta prison dorée, elle te regarde, déracinée et impuissante, jusqu’à tomber elle-même dans la bataille et la déraison.
Enfermé dans les terres et encerclé par la mer, ton quotidien est rythmé par la monotonie et l’espérance d’un futur autre. Pas de promesses, peu d’ouvertures, aujourd’hui seul existe. Et aujourd’hui n’est que plaisir. Plaisir de la chair, plaisir de l’alcool, plaisir de l’engourdissement. Ta vie est faite de petites victoires que tu arraches à la fatalité, celles de l’ardeur brûlante qui refuse de perdre un temps pourtant presque vide de possibles, qui se complait dans la légèreté de l’inaction et trouve son mantra dans la sensualité de la danse.
Tu te débrouilles pour oublier, pour que l’incessante musique qui vient noyer les rues, recouvre ta pensée et qu’ainsi ta joie de vivre ne soit pas polluée par tes difficultés quotidiennes. Tu marches, vertical et léger, et chacun de tes pas semblent défier l’horizontale brutalité des cicatrices qui marquent ton corps dansant. Corps sexuel, corps objet qui dit ce que ta parole n’a pas le droit d’exprimer. Homme au visage double, tu transpires l’ambiguïté de la colère et de la nonchalance, de la manipulation et de la franchise. Tes intentions, toujours troubles, viennent plonger leurs racines dans la nécessité insaisissable de la survie et du moindre mal. Alors tu joues, avec les autres et avec toi-même. Tu joues et tu te perds entre ce que tu es et ce que tu désires être. Devant le miroir délavé de ta chambre aux murs décrépis, tu manies avec perfection l’art de la représentation et de la beauté. Pas un défaut ne t’échappe et ton personnage, roi de son monde, se meut sans peurs ni faiblesses. Ainsi masqué tu avances, beau et presque tout puissant, jusqu’à ce que le vernis craquelle. Frappé par les relents nauséabonds de l’autoritarisme, tu vacilles, désillusionné et ton rêve à nouveau s’effondre. Contrairement à toi, elle possède la liberté de la folie et l’expression de son désir n’est pas dangereuse. Alors tu repars pour un tour, indéfiniment tu réponds à l’appel de l’exotisme et tu rejoues le même scénario avec à chaque recommencement plus d’urgence, plus de folie et plus de hargne. Et dans ce cercle où rien n’advient ni ne perdure, tu parviens néanmoins à nous enseigner l’art de la présence et de la détermination. »
Atlal Brahimi
L’horizon bafoué
Bafoué par l’oppression colonialiste, l’affranchissement du pays ouvre le champ des possibles. Lorsque le pays se libère, les artistes surviennent. Ils s’émerveillent et participent à un bouillonnement culturel manifeste. La liberté tant souhaitée devient une réalité. Les années mille neuf-cents soixante sont marquées par un foisonnement artistique. Les jeunes nations indépendantes doivent réécrire et reconstruire leur histoire.
- sans être l’autre.
L’un de ces pays se nomme l’Algérie. L’année mille neuf-cents soixante-deux, au sein du territoire algérien, marque un nouveau pan historique : l’indépendance est actée. Les damnés de la terre sont libres.
- la question de l’Algérianité est posée.
L’enjeu n’est pas moindre ; innover, écrire une histoire contemporaine - identifier, informer, créer ce que l’art algérien pourra être. La culture algérienne doit être définie, mais comment le sera-t-elle ? L’art moderne circule, l’école de Paris forge des artistes du monde entier. Les influences et les esthétiques s’entremêlent au sein d’une aire où tout semble possible. Les artistes fondateurs de l’art moderne en Algérie séjournent à Paris au cours des années mille neuf-cents cinquante, y puisant une diversité de savoirs. Ils y développent une esthétique personnelle. Une nouvelle identité visuelle se crée, l’abstraction et la non-figuration y seront maîtres, mais pas seulement. Les artistes se tournent peu à peu vers leur histoire bafouée - précoloniale, les langues arabe et amazigh ; ces signes questionnent.
Le passé surgit, l’horizon s’ouvre à des références ancrées dans la mémoire des terres algériennes. L’horizon culturel se réécrit et se réinvente au sein de ce territoire. Cependant, l’Algérie n’est pas le seul pays à s'orienter vers ces références multiples. Allant du Maghreb, au Maqrech, en passant par Cuba - l’atmosphère y est semblable, l’horizon similaire - et l’artiste désire prendre place au sein de son histoire. Après la répression, le souffle de renouveau qu’apportent les indépendances inaugure une phase de création où tout est possible. Les collectifs s’organisent et se créent, les institutions artistiques sont reprises par les jeunes peintres à l’universalité assumée. Cela ne durera qu’un temps - car les jeux de pouvoirs s’installeront.
L’horizon se ressert et le réalisme socialiste prend place. L’art comme enjeu politique, représentation contrôlée et codifiée par une politique socialiste, se voit restreint à une représentation esthétique limitée. Néanmoins, les artistes ne s’arrêteront pas là - citoyens certes, engagés absolument, ils continueront à développer et à défendre leurs propres créativités, leurs propres libertés. Parmi eux Mohammed Khadda (1930-1991) et Issiakhem (1928-1985), artistes peintre fondateurs de la peinture moderne en Algérie, combattant grâce aux mots et aux arts tout au long de leurs créations. L’horizon sera certes bafoué, mais l’indépendance des artistes n’en sera que plus forte. Car il ne s’agit pas simplement d’une dualité entre le peintre et l’état, entre liberté et censure ; cette période charnière provoque des questionnements plus complexes, ces artistes-citoyens en ont conscience, et ils veilleront à écrire à leur mesure une histoire de l’art sincère à l’horizon éveillé.
Jesùs Labandeira Pastor
chubasquero color amarillo
nuestros cuerpos en albornoz tras un largo sueño y si hubiéramos y si en vez de y si fuera la primera posibilidad aquella que pensamos una vez mientras uno u otro mojaba el biscuit en la leche con café Aquel día NO sería la primera posibilidad, precisamente la que estás pensando tal vez, quién lo dice y dónde lo dice es importante (¿qué haces en París?) deberías estar en otra parte
sal inmediatamente de allí
tal vez deberíamos pensar en otras opciones y si hubiéramos y si en vez de y si fuera la segunda posibilidad aquella que pensamos mientras uno u otro bajaba a comprar pan rayado y cebolla porque nos habíamos quedado sin pan rayado y sin cebolla nosotros que siempre teníamos pan rayado y cebolla en casa
quizá alguien podría ayudarnos a salir y a acceder como tercera posibilidad; en ese caso, quizá, estaríamos hubiésemos o podríamos participar o haber participado en aquel viaje también es verdad que si lo hubiéramos hecho
nunca hubiésemos llegado a París
y si hubiéramos y si en vez de y si fuera la cuarta posibilidad compraste, incluso, un librito antiguo con postales de aquella isla lo compraste frente a la iglesia de Notre Dame
y un día llegamos en un transatlántico por fin a aquella isla que era pequeña y estaba llena de costumbres y de hombres y mujeres con cara simpaticona fue un lunes soleado y ventoso cuando nos dio por llegar a la quinta posibilidad
la isla era poderosa, tenía árboles y de noche los murciélagos de metro y medio curvaban sus cuerpos bajo las estrellas, allí te quedabas mirando con tu vestido de lana hacia frío
fue la última vez que te vi
habíamos estado en aquel luminoso restaurante lleno de hombres machacados, sus caras estaban manchadas y machacadas de blanco y tú te fijaste en el plato, no en sus caras enfermas
comiste la cebolla con los ojos cerrados
y yo quise en ese momento acariciarte y darte una mano para llevarte al otro extremo, con menos viento, para escapar, porque al parecer alguien se estaba apropiando de la isla no se podía salir no se podía entrar al mismo tiempo se estaba ahogando un turista checo es decir, estaban pasando cosas
pero no quisiste, cabezonerías tuyas, salir te
empeñaste en pasar la noche sola en la playa
esconderte bajo rocas decidiste estar allí
despistando a tu cabeza con lo que nunca se dice
yo, aquella noche, la última, te hubiera manoseado para ver si despertabas lejos de aquel lugar que llamaste isla
y si hubiera y si hubiéramos y si hubieras y si hubieran o hubiésemos
llegado a la sexta posibilidad
quizá hubiera sido una de esas noches raras una de
esas noches en la que te hubieras puesto un
chubasquero color amarillo.
EXHIBITIONS
Publication d'Art Non linéaire - HORIZONS
Galerie Medicis
Paris, March 2019
Exhibition view, Horizons & Bianca Lee Vasquez, Silkscreen printed on Arches Paper
limited edition of 50, 2019
Publication d'Art Non linéaire - HORIZONS
Galerie Bubenberg
Paris, June 2018
Two days of talks and discussions about "utopia" on an island of texts on the floor of the gallery, 2018, Gallery Bubenberg, Paris
(above) Alix de la Chapelle, Livia Parmantier, Bianca Lee Vasquez, Lou Skornicki, Jesùs Labandeira Pastor (Nueve dias sin Fidel), Charlotte Janis, Atlal Brahimi
First Chapter - First Edition
HORIZONS
HORIZONS
silkscreen on Arches Paper, 89x60 cm
December 2019, limited edition of 50
Alizée Gazeau
éditorial
Pour la première édition de PAN, nous prenions Cuba comme point de départ à deux journées de conférences et de conversations entre artistes, écrivains, historiens, philosophes en juin 2018. Les réflexions débutèrent sur une île de textes scénographiée dans l’espace de la Galerie Bubenberg à Paris. Isla Sola, Cuando Todo Horizonte es una Isla d’Onelio Perez Torrez, Jardìn Japonès de Carlos Garaicoa, Les Métamorphoses d’Ovide, L’Idéologie et l’Utopie de Paul Ricoeur, Thomas More, De la Megalomania Ética a la Boberia al Nullpunkt d’Elvia Rosa Castro, L’Odyssée d’Homère.
Les textes guidèrent les échanges, étendus depuis la question de l’utopie, aux révolutions et ouvrant sur de nouvelles lignes d’horizons. Une conférence de Livia Parmantier sur l’impact de la politique castrique sur la création artistique cubaine depuis les années 1980 en deux volets.
NUEVE DIAS SIN FIDEL présenté par son réalisateur, le journaliste et écrivain Jesùs Labandeira Pastor.
Lectures de dramaturgies révolutionnaires par l’historien de la Révolution Française, Baptiste Roger-Lacan : Jules Michelet, Pierre Gaxote, La Convention nationale décrite par Victor Hugo dans Quatre-vingt-treize.
Photographies sur calques de l’installation performance de Bianca Lee Vasquez exposées en transparence sur les miroirs de la galerie.
Isla Sola, Performance réalisée lors du premier voyage de l’artiste à Cuba. Deuxième soir : Évocation de son enfance passée à Miami, de son histoire familiale et de ses origines. Arrivée en France. Racines. Havana, Cuba, décembre 2016. 11 heures du matin. Bianca et moi étions parties ensemble un matin à la recherche de six miroirs dans le Vedado.
Performance rituelle
Le monde en île même et l’horizon immanent
ISLA SOLA
La nature informant l’artiste sur ce qu’elle est, l’artiste annonçant au monde l’éclatement du réel.
Arbre fractal
Une photographie comme témoignage de l’exploration, de l’imbrication des facettes du monde. Une réflexion formelle construite en miroir.
Le territoire d’un cercle
L’Atmosphère solennelle de la réconciliation et de la protection
La Multiplicité des Mondes
Je suis heureuse de présenter la première édition de PAN avec le texte de Lou Skornicki jeune réalisatrice, diplômée d’un master de philosophie sous la direction de Quentin Meillassoux et d’un master de réalisation documentaire. Le tournage de son premier moyen métrage Insilio est prévu à Cuba en 2020. Livia Parmantier participe à l’élaboration de la revue en étant chargée des expositions et des journées de rencontre. Historienne de l’art, elle a soutenu un travail de recherche sur la scène artistique cubaine des années 1990 et elle présente dans ce numéro, le compte rendu de conversations avec Bianca Lee Vasquez. Une nouvelle originale de Jesùs Labandeira Pastor est l’un des piliers de cette œuvre collective « Cuban Horizons ». Atlal Brahimi enfin, est doctorante à l’EHESS et soutenue par la bourse de la Fondation Martine Aublet. Elle élabore une thèse sur les confluences de l’art moderne et contemporain algérien depuis 1962. Elle publie dans ce numéro un article dont le titre, « Horizon bafoué », fait écho aux questions soulevées à partir des conversations sur Cuba pendant les deux journées de juin.
Vagues de surface
Sur ligne d’horizon du réel
Bianca Lee Vasquez, Isla Sola, 2016, silver print of a performance, Las Terrazas, Cuba
Texts written for HORIZONS
Livia Parmantier
Bianca Lee Vasquez, quête solitaire d’une identité multiple
« Il y a une grande série d'événements dans la nature, simples mais mystérieux. Simples pour le monde entier mais mystérieux pour chaque individu. Les exemples sont partout… Mais personne ne sait rien de soi-même, et ne retrouve son origine ou sa fin. Tout le monde entre dans un tour mystérieux et traverse ce que des millions ont vécu. »
Mikhaïl M. Prichvine, Diaries, Moscow: “Pravda”, 1990
La question de l’identité traverse l’histoire de l’homme et celle de l’art. Elle est intimement liée aux territoires ayant vécu des bouleversements historiques et des croisements culturels. L’ile de Cuba en fait partie. Colonisée par les espagnols au XVIe siècle, elle a connu la contrainte et des révisions parfois déchirantes de son identité.
Dès 1959, La Révolution castriste fracture la société cubaine entre « ceux qui partent et ceux qui restent 1». L’identité cubaine va pendant des décennies se partager entre deux mondes, celui de l’intérieur et celui de l’extérieur, issu d’une immigration massive notamment vers Miami. Deux mondes longtemps séparés par le blocus, divisés par l’idéologie mais reliés par l’identité.
Le critique d’art cubain Eugenio Valdès Figueroa associe la relation entre Miami et La Havane à une complicité amoureuse, sans cesse tiraillée entre recherche et rejet de l’autre 2. A l’image du mythe de l’Androgyne chez Platon « Leurs deux moitiés recherchaient leur moitié complémentaire, en vertu d’un désir perpétuel de “complétude” 3».
Ce désir de complétude se ressent dans la pratique artistique de Bianca Lee Vasquez. Née en 1983 à Miami West d’un père équatorien et d’une mère cubaine, elle vit et travaille aujourd’hui à Paris.
La recherche d’identité et de définition de soi est centrale dans son œuvre. La nature, empreinte de la mémoire du temps, demeure un espace privilégié tout comme le corps, en tant que réceptacle de cette quête. Les performances éphémères réalisées par l’artiste, complètent et enrichissent un parcours qu’elle archive et conserve grâce à la vidéo et la photographie.
A Miami West, quartier de sa naissance, la question « d’où viens-tu » est courante. Bianca Lee Vasquez répondait toujours en citant le pays d’origine de sa famille, ce qui révélait une appartenance territoriale associée à une histoire familiale. Comme beaucoup d’enfants d’exilés, l’artiste ne s’était jamais rendue à Cuba. Pouvoir affirmer, « je suis cubaine », sans y avoir jamais été, ne paraissait pas contradictoire. En effet, avant le discours du Président Américain Barack Obama en 2015, l’embargo imposé à Cuba par les États-Unis empêchait toute possibilité de se rendre sur l’île. Les contacts avec le pays étaient quasi inexistants.
Depuis son départ en France, la question de l’identité avait pris une tournure inédite. Pour la première fois, ceux qui l’interrogeaient sur ses origines connaissaient Cuba. Or n’y être jamais allée devenait subitement incongru. De nouvelles interrogations surgissaient et déclenchaient la nécessité d’une confrontation directe.
En novembre 2016, invitée par des amis, l’artiste décide de partir pour Cuba, après une longue hésitation. Sa grand-mère lui avait toujours dit qu’elle ne s’y rendrait qu’après la mort de Fidel Castro. Signe du destin, le 26 novembre, soit quelques jours avant son départ, elle apprendra le décès du guide de la Révolution. Cet événement aussi historique que personnel affectera l’expérience de ce premier voyage.
Arrivée à la Havane, cette ville lointaine lui apparaît familière. Elle reconnait les couleurs, les odeurs, la gestuelle des passants. Le souvenir entretenu par le cercle familial et la physionomie du quartier reconstruit par les émigrés cubains de Miami, véritable « simulacre nostalgique » de l’île, y étaient pour beaucoup.
Isla Sola
Sur place, Bianca Lee Vasquez se réapproprie le territoire en réalisant une expédition en pleine nature. C’est ainsi qu’elle réalise Isla Sola, un performance « quelque part entre La Havane et Las Terazzas », dans une nature où elle choisit de se perdre « pour mieux se retrouver 4 ». Rien n’est planifié à l’avance, mais elle emporte avec elle six miroirs choisissant de se livrer à cet espace inconnu, guidée par l’intuition, et de s’arrêter là où un élément pourrait l’interpeller.
Après des heures de marche, un arbre aux grandes racines retient son attention. A ses pieds se dresse un fragment de nid de termite, tombé de l’une de ses branches. Il dénote par son aspect rugueux, telle une météorite venue du ciel. Dans le chaos végétal de la forêt cet élément constitue une singularité. Bianca Lee Vasquez se lance alors dans un rituel de préparation et dispose chaque miroir autour du nid afin de créer une réflexion de son image sous différents angles et points de vue. En même temps que l’espace s’ouvre spatialement par le jeu des miroirs, l’artiste se laisse happer par la nature environnante, à travers la lenteur du processus et les sonorités ambiantes.
Le corps de l’artiste n’apparaît pas sur la photographie. Face aux limites du langage, la parole est cédée à la nature. Le fragment de nid au centre de la composition s’exprime pour le compte de l’artiste, devient son double de substitution.
C’est dans la vidéo qui documente l’action qu’il devient visible, lors d’une danse effectuée par l’artiste autour de l’installation. Elle apparaît seule, tenant la caméra, recroquevillée près du nid, comme assimilée à son image. Elle accomplit des gestes simples, lents, face aux miroirs, dans un mouvement circulaire et répétitif.
Le jeu de miroirs, par les multiplicités qu’ils révèlent, donnent une nouvelle perception du réel. Ils appellent à une scission de l’identité. L’horizon s’élargit, montrant la simultanéité de plusieurs incarnations dans un même sujet.
Le nid, détaché de son lieu d’appartenance, apparaît, au même titre que l’image de l’artiste, comme la représentation formelle d’une identité échouée. Le titre Isla Sola 5 (Île Seule), apparente la condition de l’artiste à celle de l’Ile faisant référence à sa condition d’isolement, liée à son insularité, amplifiée par sa situation politique et les bouleversements de son histoire. Tout comme l’artiste en quête d’une identité, elle se confronte ici à sa multiplicité, révélée par les miroirs.
Isla Sola permet le rapprochement de l’artiste et de son territoire à travers une condition partagée. Une forme de compréhension mutuelle, de destin commun permettant un rapprochement intime, un accord du corps avec la nature.
1. Juan Pablo Ballester, “Soñando en cubano”, dans Andrès Isaac Santana, Nosotros, los más infieles, Murcia : CENDEAC, p. 299
2. Eugenio Valdés Figueroa, “Los Mapas del Deseo”, dans Nosotros, los más infieles, op. cit., p. 853
3. Octavio Paz cité par Eugenio Valdés Figueroa, “Los Mapas del Deseo”, dans Nosotros los mas Infieles, op. cit., p. 853
4. Entretien avec Bianca Lee Vasquez - 13/11/2018.
5. Titre d’une poésie de la poétesse cubaine Dulce María Loynaz (1902-1997)
Lou Skornicki
Insilio
Lettre à un cubain
« Elle l’exotique, toi l’exotisme. Aujourd’hui, sur le sol de l’ile des caraïbes, l’opposition de vos deux mondes va s’estomper dans un désir commun. Le désir de fantasmer d’autres possibles, d’échapper au connu, d’éprouver son corps et sa tête. Elle, étrangère européenne, toi cubain, tous deux allez vous réunir dans le désir que l’autre incarne le changement, le renouveau, la salvation. Tentative belle et imprudente, vous persévérez, habités par la croyance d’une joyeuse alternative. Mais rapidement l’effervescence vient se heurter au mur de l’oppression et de l’incompréhension.
Écrasé par le poids d’une idéologie sclérosée mais dont les appendices vibrent encore au son de la dictature, tu commences à te débattre comme un lion en cage. Sublime et sans issue, l’impulsivité de ton désir de liberté bouscule mais sans jamais parvenir à abolir les différences. Dans ta prison dorée, elle te regarde, déracinée et impuissante, jusqu’à tomber elle-même dans la bataille et la déraison.
Enfermé dans les terres et encerclé par la mer, ton quotidien est rythmé par la monotonie et l’espérance d’un futur autre. Pas de promesses, peu d’ouvertures, aujourd’hui seul existe. Et aujourd’hui n’est que plaisir. Plaisir de la chair, plaisir de l’alcool, plaisir de l’engourdissement. Ta vie est faite de petites victoires que tu arraches à la fatalité, celles de l’ardeur brûlante qui refuse de perdre un temps pourtant presque vide de possibles, qui se complait dans la légèreté de l’inaction et trouve son mantra dans la sensualité de la danse.
Tu te débrouilles pour oublier, pour que l’incessante musique qui vient noyer les rues, recouvre ta pensée et qu’ainsi ta joie de vivre ne soit pas polluée par tes difficultés quotidiennes. Tu marches, vertical et léger, et chacun de tes pas semblent défier l’horizontale brutalité des cicatrices qui marquent ton corps dansant. Corps sexuel, corps objet qui dit ce que ta parole n’a pas le droit d’exprimer. Homme au visage double, tu transpires l’ambiguïté de la colère et de la nonchalance, de la manipulation et de la franchise. Tes intentions, toujours troubles, viennent plonger leurs racines dans la nécessité insaisissable de la survie et du moindre mal. Alors tu joues, avec les autres et avec toi-même. Tu joues et tu te perds entre ce que tu es et ce que tu désires être. Devant le miroir délavé de ta chambre aux murs décrépis, tu manies avec perfection l’art de la représentation et de la beauté. Pas un défaut ne t’échappe et ton personnage, roi de son monde, se meut sans peurs ni faiblesses. Ainsi masqué tu avances, beau et presque tout puissant, jusqu’à ce que le vernis craquelle. Frappé par les relents nauséabonds de l’autoritarisme, tu vacilles, désillusionné et ton rêve à nouveau s’effondre. Contrairement à toi, elle possède la liberté de la folie et l’expression de son désir n’est pas dangereuse. Alors tu repars pour un tour, indéfiniment tu réponds à l’appel de l’exotisme et tu rejoues le même scénario avec à chaque recommencement plus d’urgence, plus de folie et plus de hargne. Et dans ce cercle où rien n’advient ni ne perdure, tu parviens néanmoins à nous enseigner l’art de la présence et de la détermination. »
Atlal Brahimi
L’horizon bafoué
Bafoué par l’oppression colonialiste, l’affranchissement du pays ouvre le champ des possibles. Lorsque le pays se libère, les artistes surviennent. Ils s’émerveillent et participent à un bouillonnement culturel manifeste. La liberté tant souhaitée devient une réalité. Les années mille neuf-cents soixante sont marquées par un foisonnement artistique. Les jeunes nations indépendantes doivent réécrire et reconstruire leur histoire.
- sans être l’autre.
L’un de ces pays se nomme l’Algérie. L’année mille neuf-cents soixante-deux, au sein du territoire algérien, marque un nouveau pan historique : l’indépendance est actée. Les damnés de la terre sont libres.
- la question de l’Algérianité est posée.
L’enjeu n’est pas moindre ; innover, écrire une histoire contemporaine - identifier, informer, créer ce que l’art algérien pourra être. La culture algérienne doit être définie, mais comment le sera-t-elle ? L’art moderne circule, l’école de Paris forge des artistes du monde entier. Les influences et les esthétiques s’entremêlent au sein d’une aire où tout semble possible. Les artistes fondateurs de l’art moderne en Algérie séjournent à Paris au cours des années mille neuf-cents cinquante, y puisant une diversité de savoirs. Ils y développent une esthétique personnelle. Une nouvelle identité visuelle se crée, l’abstraction et la non-figuration y seront maîtres, mais pas seulement. Les artistes se tournent peu à peu vers leur histoire bafouée - précoloniale, les langues arabe et amazigh ; ces signes questionnent.
Le passé surgit, l’horizon s’ouvre à des références ancrées dans la mémoire des terres algériennes. L’horizon culturel se réécrit et se réinvente au sein de ce territoire. Cependant, l’Algérie n’est pas le seul pays à s'orienter vers ces références multiples. Allant du Maghreb, au Maqrech, en passant par Cuba - l’atmosphère y est semblable, l’horizon similaire - et l’artiste désire prendre place au sein de son histoire. Après la répression, le souffle de renouveau qu’apportent les indépendances inaugure une phase de création où tout est possible. Les collectifs s’organisent et se créent, les institutions artistiques sont reprises par les jeunes peintres à l’universalité assumée. Cela ne durera qu’un temps - car les jeux de pouvoirs s’installeront.
L’horizon se ressert et le réalisme socialiste prend place. L’art comme enjeu politique, représentation contrôlée et codifiée par une politique socialiste, se voit restreint à une représentation esthétique limitée. Néanmoins, les artistes ne s’arrêteront pas là - citoyens certes, engagés absolument, ils continueront à développer et à défendre leurs propres créativités, leurs propres libertés. Parmi eux Mohammed Khadda (1930-1991) et Issiakhem (1928-1985), artistes peintre fondateurs de la peinture moderne en Algérie, combattant grâce aux mots et aux arts tout au long de leurs créations. L’horizon sera certes bafoué, mais l’indépendance des artistes n’en sera que plus forte. Car il ne s’agit pas simplement d’une dualité entre le peintre et l’état, entre liberté et censure ; cette période charnière provoque des questionnements plus complexes, ces artistes-citoyens en ont conscience, et ils veilleront à écrire à leur mesure une histoire de l’art sincère à l’horizon éveillé.
Jesùs Labandeira Pastor
chubasquero color amarillo
nuestros cuerpos en albornoz tras un largo sueño y si hubiéramos y si en vez de y si fuera la primera posibilidad aquella que pensamos una vez mientras uno u otro mojaba el biscuit en la leche con café Aquel día NO sería la primera posibilidad, precisamente la que estás pensando tal vez, quién lo dice y dónde lo dice es importante (¿qué haces en París?) deberías estar en otra parte
sal inmediatamente de allí
tal vez deberíamos pensar en otras opciones y si hubiéramos y si en vez de y si fuera la segunda posibilidad aquella que pensamos mientras uno u otro bajaba a comprar pan rayado y cebolla porque nos habíamos quedado sin pan rayado y sin cebolla nosotros que siempre teníamos pan rayado y cebolla en casa
quizá alguien podría ayudarnos a salir y a acceder como tercera posibilidad; en ese caso, quizá, estaríamos hubiésemos o podríamos participar o haber participado en aquel viaje también es verdad que si lo hubiéramos hecho
nunca hubiésemos llegado a París
y si hubiéramos y si en vez de y si fuera la cuarta posibilidad compraste, incluso, un librito antiguo con postales de aquella isla lo compraste frente a la iglesia de Notre Dame
y un día llegamos en un transatlántico por fin a aquella isla que era pequeña y estaba llena de costumbres y de hombres y mujeres con cara simpaticona fue un lunes soleado y ventoso cuando nos dio por llegar a la quinta posibilidad
la isla era poderosa, tenía árboles y de noche los murciélagos de metro y medio curvaban sus cuerpos bajo las estrellas, allí te quedabas mirando con tu vestido de lana hacia frío
fue la última vez que te vi
habíamos estado en aquel luminoso restaurante lleno de hombres machacados, sus caras estaban manchadas y machacadas de blanco y tú te fijaste en el plato, no en sus caras enfermas
comiste la cebolla con los ojos cerrados
y yo quise en ese momento acariciarte y darte una mano para llevarte al otro extremo, con menos viento, para escapar, porque al parecer alguien se estaba apropiando de la isla no se podía salir no se podía entrar al mismo tiempo se estaba ahogando un turista checo es decir, estaban pasando cosas
pero no quisiste, cabezonerías tuyas, salir te
empeñaste en pasar la noche sola en la playa
esconderte bajo rocas decidiste estar allí
despistando a tu cabeza con lo que nunca se dice
yo, aquella noche, la última, te hubiera manoseado para ver si despertabas lejos de aquel lugar que llamaste isla
y si hubiera y si hubiéramos y si hubieras y si hubieran o hubiésemos
llegado a la sexta posibilidad
quizá hubiera sido una de esas noches raras una de
esas noches en la que te hubieras puesto un
chubasquero color amarillo.
EXHIBITIONS
Publication d'Art Non linéaire - HORIZONS
Galerie Medicis
Paris, March 2019
Exhibition view, Horizons & Bianca Lee Vasquez, Silkscreen printed on Arches Paper
limited edition of 50, 2019
Publication d'Art Non linéaire - HORIZONS
Galerie Bubenberg
Paris, June 2018
Two days of talks and discussions about "utopia" on an island of texts on the floor of the gallery, 2018, Gallery Bubenberg, Paris
(above) Alix de la Chapelle, Livia Parmantier, Bianca Lee Vasquez, Lou Skornicki, Jesùs Labandeira Pastor (Nueve dias sin Fidel), Charlotte Janis, Atlal Brahimi